Lachésis Emila de Villars

«Leur esprit est méchant, et leur âme fragile ;
Il n'est rien de plus faible et de plus imbécile,
Rien de plus infidèle et malgré tout cela,
Dans le monde on fait tout pour ces animaux-là.»
L'école des Femmes, Molière

On disait partout d'Emila de Villars qu'elle était une femme de pouvoir, fonceuse et entêtée. Qu'elle aspirait à de hautes fonctions et que ce n'était que par altruisme pour défendre la cause des femmes. Quiquonque l'aurait connue réellement n'aurait osé de tels propos, puisque Miss de Villars était loin d'adhérer à l'altruisme. Ceux qui auraient pu prétendre faire partie de son cercle intime peuvent vous parler de ses réels desseins et de sa personnalité particulière. Emila de Villars était une femme à la réelle beauté : un visage d'ivoire, fin et lisse comme de la porcelaine à la blancheur diaphane d'un lys au printemps. Quelques rumeurs couraient au sujet d'un mathématicien qui aurait calculé le symétrisme de son visage et aurait affirmé que les traits d'Emila étaient «mathématiquement pafaits.» Elle avait des yeux d'un brun très pâle et si on s'approchait suffisamment près, on pouvait y déceler une couronne d'or cerclant son iris dont l'ambre flamboyait davantage au soleil de midi. Beaucoup s'amusaient à dire qu'elle coupait le fil de vie de bien des hommes, c'est pourquoi on lui attribua le surnom de Lachésis, une des trois Parques de la mythologie des héllènes. C'est d'ailleurs depuis ce temps qu'elle se plaît à se faire appeller Lachésis Emila de Villars.

Belle comme une nymphe, impitoyable comme les Parques. Beaucoup d'hommes se mirent alors à prétendre qu'ils avaient été amants de la belle, décrivant son corps et le modelant à leurs fantasmes; un corps svelte à la peau lactescente et douce comme la soie, sans imperfection, sans cicatrice, sans rougeur. Des hommes ont affirmé qu'une délicieuse odeur de vanille flotte au creu de son cou et entre ses seins voluptueux. Ils ont décrit ses mains comme étant fines et agiles, avec des ongles manucurés. Elle les entretient sans doute pour son violon, dont elle est virtuose. Des jambes fuselées, longues et des bras fins. Son ventre est plat et une poitrine soutenue le chevauche. D'autres prétendants ont fait courir le bruit que ses lèvres roses embrassent à merveille et que ses dents sont droites et ont une couleur de neige. Beaucoup ont prétendu avoir enfilé leurs doigts dans sa chevelure d'un brun chocolat, soyeuse et ondoyant jusqu'à ses reins cambrés. Bien sûr, ce ne sont que des ragots, mais c'est ainsi que tous se plaisent à l'imaginer et elle ne dément pas cette rumeur.

C'est en 1793, dans une France déchirée par la Révolution qu'est née Emila de Villars. Tous savent qu'Emila naquit dans une famille noble possédant un duché près de Paris. La noblesse ayant été défaite, sa famille fut obligée de se cacher pendant un certain temps. Lorsque la Révolution prit fin en 1799, la famille de Villars devint une famille bourgeoise et très prolifique. Pour ce qui est des grandes lignes de son histoire, nous savons seulement qu'Emila reçut une excellente éducation d'un précepteur, qu'elle passa quatre ans de sa vie dans un conservatoire à apprendre le violon et qu'elle immigra en Autriche après la mise en place du Consulat. Personne ne sait par quel moyen elle fut employée comme Stratège, mais certains se doutent que ses charmes y étaient pour quelque chose dans cette histoire.

La réputation d'Emila de Villars la précède tant sur le point artistique que caractériel. Virtuose du violon, elle passe ses heures perdues à s'exercer à son instrument. Parfois, lorsque l'on s'attarde sous sa fenêtre à des heures tardives, le son du violon nous entendrons, transportant chaque coeur d'allégresse ou de mélancolie. La beauté subjuguante de ses doigts pianotant sur les cordes, son archet ricochant sur les cordes comme une vague sur un rocher. Un tableau à couper le souffle : son visage concentré, crispé dans une expression sereine, douceâtre, faisant presque oublier ses attitudes glaciales et hautaines ; ses cheveux chocolat tombant devant son visage, épousant la forme de ses épaules nues, ses lèvres déformées en une grimace concentrée, ses yeux illuminés par la passion de la musique. Ses mélodies sont douces, harmonieuses, parfois tragiques ou légères, modelées selon les humeurs de la violoniste. Les pieds de la jeune femme de 23 ans se souviennent des planches de la scène du Conservatoire sur lesquelles elle s'est produite tant de fois et elle a une manie étrange d'enfoncer ses orteils dans le tapis ou dans les craques du planches pour mieux s'imprégner de l'atmosphère.

Beaucoup peuvent affirmer qu'Emila est une femme glaciale et distante, préférant éviter les familiarités et l'embarras dû à une personne trop entreprenante. Étant une femme très ambitieuse, c'est sans doute pourquoi elle fut engagée au Consulat. Stratège, Emila est rusée et dotée d'un grand intellect et d'une vivacité d'esprit jusque-là inégalée. Manipulant à merveille les membres du Consulat, Emila joue sur tous les tableaux, tant du côté politique que militaire. Emila adopte une attitude très méthodique et très cartésienne quant à ses décisions d'ordre militaire. Connaissant les enjeux politiques, géographiques et sociaux, elle peut prendre des décisions plus éclairées et diriger les opérations avec une main de fer, de connivance avec le Général de l'Armée. Elle est en quelque sorte l'intermédiaire entre les membres du Consulat et le Général.

Étant une femme de son époque, Emila est religueuse. Elle adhère à l'Église Orthodoxe, sans toutefois pratiquer la doctrine à la lettre. La spiritualité occupe une place secondaire dans sa vie, mais est néanmoins présente. La jeune femme est quelque peu fataliste, croyant que les grandes lignes de sa vie sont déjà écrites et qu'elle ne peut rien changer à son sort.

Peu de gens peuvent affirmer connaître ses habitudes et ses loisirs, en dehors du violon. Cependant, certains affirment avoir vu la belle assise au cabaret de Bavièrres, ses doigts fins aux longs ongles pianotant sur la table, une flûte de champagne pétillant posée devant elle, ses longues jambes gainées croisées sous la table. Trouvant l'endroit divertissant, quoique dépourvu de substance, elle se plait souvent à se rendre dans les coulisses pour porter des roses aux danseuses. Emila se délecte également des fines pâtisseries et de ballades en calèche dans les rues du village de Lierres. Certains affirment l'avoir vue avec une cigarette à la bouche, mais elle nie catégoriquement fumer régulièrement, prétendant que cela n'est qu'un divertissement occasionnel de plus.

Bref, Lachésis Emila de Villars est une dame plutôt complexe, présentant autant de facettes qu'un kaléïdoscope.

[ La Présentation peut être sujette de modifications dues à l'évolution du personnage ou à un simple caprice ^^ ]